Rites d'initiation en Guinée-Bissau
BISSAU, 20 avr 2002 (AFP) - Ils sont
près de 4.000 Bissau-Guinéens d'ethnie
balante à être entrés cette année
dans "le bois sacré", d'où ils
ne devraient ressortir qu'après deux mois, une
fois terminée l'ultime phase des rites initiatiques
qui leur ouvriront les portes de la maturité
et de la sagesse.
En dépit de l'implantation de
l'islam et du christianisme, les Balantes, majoritaires
en Guinée-Bissau où ils représentent
près de 40% de la population, ont gardé
leurs traditions païennes, qui régulent
chaque étape de la vie de l'individu.
Cette année, les futurs sages
ont eu la prestigieuse bénédiction d'un
des leurs, le président Kumba Yala, lui-même
d'ethnie balante et initié. En prélude
aux festivités qui accompagnent les rites, il
s'était rendu le 25 mars dans son village natal,
près de Bula, à 25 km au nord de Bissau
pour, symboliquement, "donner le coup d'envoi"
des cérémonies.
L'ultime étape des rites initiatiques,
appelée fanado, a lieu dans une dizaine de villages
du nord du pays. Villageois et citadins reviennent pour
la circonstance s'abreuver à la source des traditions,
mais aussi pour faire la fête.
Car si les futurs initiés n'ont
affaire qu'aux anciens et aux féticheurs qui
les accompagnent à l'intérieur du "bois
sacré", les fêtes organisées
chaque soir en leur honneur et jusqu'à leur sortie
du bois attirent beaucoup de monde.
On mange, on boit et on danse, tandis
que les futurs initiés, âgés de
40 à 60 ans, subissent loin des regards les épreuves
d'endurance qui feront d'eux des sages aux yeux de la
communauté.
"Le fanado est l'ultime marche
de la hiérarchie sociale. Il se prépare
pendant plusieurs années. Une fois sorti, l'initié
est un homme mûr, capable de prendre en charge
d'autres personnes dans le clan", explique Joao
Tamba, journaliste à la radio nationale bissau-guinéenne.
Ce "fanado" est précédé
de plusieurs autres rites échelonnés dans
la vie de l'individu entre 15 et 40 ans. Chaque tranche
de vie, de l'enfance à l'âge adulte, est
ainsi régulée par des cultes initiatiques
qui marquent l'entrée dans une nouvelle catégorie
sociale.
De la prime enfance jusqu'à
15 ans, l'enfant appartient à la classe des "nwatch".
La nudité, hormis un simple cache-sexe, est permise
et l'enfant côtoie sa mère pour l'aider
dans des tâches plutôt domestiques.
Puis il entre chez les "fuur"
vers 18-20 ans, ensuite chez les Nghaye, aux alentours
de 25 ans. Vers 30 ans, après les rites des "Kgness",
il sera autorisé à prendre femme.
Le jeune Balante commence à
devenir propriétaire terrien et à assumer
des responsabilités familiales sous le regard
bienveillant de l'oncle maternel, dans une société
essentiellement matrilinéaire, explique Nfona
Natchuva, membre du conseil des anciens du village de
Nhacra, à une trentaine de km de Bissau.
S'ouvrent alors vers la quarantaine
les portes des "Blufo Ndang" (non circoncis),
puis celles du fanado.
Avant d'aborder cette ultime étape,
tenant une queue de vache à la main, habillé
d'une chemisette et d'un pantalon bouffant, le futur
initié informe ses oncles maternels. Il est prêt
pour les circoncisions.
Arrive le jour J. Sous le regard des
siens, il pénètre dans la brousse, accompagné
d'un féticheur. Là-bas, les épreuves
sont dures, au point que certains y laissent leur vie.
Des morts attribuées aux sorciers mangeurs d'âmes.
Plus tard, les plus vaillants en ressortiront chantant
leur bravoure sous les vivats de la famille et des amis.
La joie éclate. L'initié
peut enfiler son bonnet rouge vif, il est devenu Lante
Ndang (le brave-sage). La fête peut commencer
pour lui.
Demain, il sera autorisé à
siéger au conseil des anciens qui gère
la vie du village.
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