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FIDH - Guinée Bissau
Guinée Bissau : Un calme trompeur

Mission internationale d'enquête : 19-26 octobre 1999

Rapport, hors série de la La Lettre bimensuelle de la FIDH, n°286, novembre 1999.

Chargés de mission :
José Rebello, journaliste (Portugal) ;
Sophie Bessis, journaliste (France) ;
Dave Banza, avocat (République démocratique du Congo)

Voir aussi le rapport des Nations Unies sur la situation en Guinée-Bissau


I. Les violations des droits humains durant le conflit

II. La question des prisonniers de guerre

III. Les atteintes particulières aux droits des femmes

IV. L'enjeu électoral


Sommaire

I. Les violations des droits humains durant le conflit

II. La question des prisonniers de guerre

1. Leurs conditions de détention
1. 1. La prison de la base maritime
1. 2. La prison de la base aérienne à la sortie de la capitale

2. Leur situation face au système judiciaire
2. 1. Aperçu historique
2. 2. Une volonté de réforme et beaucoup d'incertitudes
2. 3. Les droits de la défense

III. Les atteintes particulières aux droits des femmes

1. Du fait de la guerre
2. La situation actuelle

IV. L’enjeu électoral
Le risque militaire

Annexes
Annexe I : Liste des personnes rencontrées
Annexe II : Repères
Annexe III : Comuniqué du conseil de l’ordre des avocats (23 octobre 1999)
Annexe IV : Modalités d’application de l’accord d’Abuja


Ce qui frappe, lorsqu'on arrive à Bissau, c'est le climat de tranquillité qui semble dominer la ville. Les marchés, comme les petites épiceries, sont remplis de tous les produits essentiels. Les artisans ont repris partout leurs activités et ne semblent pas manquer de travail. L'hôtel 24 septembre, ancien siège de l'état major des troupes coloniales, est envahi de fonctionnaires internationaux et de commerçants, pour la plupart portugais, pressés de reprendre leurs affaires, et affiche complet. Les restaurants et les discothèques regorgent, une fois la nuit tombée, d'une jeunesse apparemment insouciante. La ville a donc retrouvé une apparence de normalité, et même de propreté, après l'abandon dans lequel elle a été tenue durant près d'un an de guerre. "Plus de 500 jeunes gens assurent le nettoyage de la ville et, au cours des derniers mois, ils ont ramassé 8.792 tonnes d'ordures" explique Mme Francisca Vaz Turpin, l'actuelle maire de Bissau.


Des traces de la guerre qui, pendant onze mois a ravagé le pays ? Il en reste, certes. La carcasse d'un char d'assaut abandonnée au bord de la route qui mène à l'aéroport. Les murs calcinés de l'ancien palais présidentiel et de l'ancien ministère des affaires étrangères. La façade délabrée de l'hôtel Sheraton. Les cratères ouverts par les obus dans des rues de terre battue, ainsi devenues presque impratiquables.


Mais, de toute évidence, on essaie de revenir à la normale ou, du moins, de construire un semblant de normalité. Car, à la veille d'élections législatives et présidentielle, cruciales pour l’avenir, l'espérance est grande. Et l'inquiétude, bien que dissimulée, aussi. Une inquiétude nourrie par le délabrement dans lequel se trouve le pays au terme de la guerre, par la question non-réglée de la participation des militaires au pouvoir politique, et par les attentes sociales et financières des anciens combattants.

I. Les violations des droits humains durant le conflit

La guerre a fait au bas mot un millier de morts, dont la moitié de morts "directs", l'autre moitié ayant succombée aux effets secondaires du conflit (impossibilité d'accéder aux structures de santé, difficultés d'approvisionnement, etc.).

Selon l'ensemble des informations recueillies, le camp de l'ex-président Nino Vieira aurait commis, tout au long des hostilités, de graves violations du droit international humanitaire et du droit régissant la conduite des hostilités, en procédant notamment à de nombreuses exécutions sommaires de prisonniers. Il n'a pas été possible, cependant, d'avoir des informations sur le nombre exact d'exécutions extrajudiciaires perpétrées par le camp présidentiel. La junte militaire ne semble pas avoir commis, pour sa part, de telles violations, et ses prisonniers, contrairement à ceux du camp adverse, ont pu être régulièrement visités durant le conflit, par les ONG, et en particulier par la LGDH.

II. La question des prisonniers de guerre

A l'issue de la victoire de la junte militaire le 7 mai 1999, environ 600 militaires et quelques dizaines de civils (en particulier des journalistes, et des médecins ayant exercé dans les structures sanitaires contrôlées par le camp présidentiel) partisans de Nino Vieira ont été faits prisonniers et placés en détention dans plusieurs casernes de l'armée. Entre mai et août 1999, la moitié d'entre eux environ a été libérée, dont la quasi-totalité des soldats non-gradés. On comptait, fin octobre 1999, 385 détenus pour faits de guerre. Compte-tenu de l'ensemble des informations que nous avons pu recueillir, il apparaît difficile de les considérer comme des prisonniers d'opinion : tous, y compris les civils, se seraient livrés à des actes de répression sous l'ancien régime ou à des actes de guerre durant le conflit. Selon la LGDH, une quinzaine de détenus seulement peut être considérée comme des prisonniers d'opinion.

Tous nos interlocuteurs, y compris les dirigeants de la LGDH et les détenus eux-mêmes, nous ont confirmés que les prisonniers n'ont subi aucun mauvais traitement depuis leur placement en détention. Un seul incident, assez grave toutefois, nous a été signalé : à Bafatà le 8 octobre1999, au cours du déplacement de 7 prisonniers d'un lieu de détention à un autre, ces derniers ont été violemment pris à partie et molestés par une population excitée par les militaires de l'escorte qui l'ont poussée à se venger de ces "criminels". A la suite d'une protestation publique de la LGDH, des sanctions auraient été prises contre les responsables de l'incident.

1. Leurs conditions de détention

La Guinée Bissau ne possède pratiquement pas d'établissements pénitentiaires. La seule prison existante à Bissau avant la guerre, celle de Bra, a été détruite durant le conflit et fait partie d'une zone truffée de mines antipersonnel. Il existe une prison à Mansoa, localité située à une soixantaine de kilomètres de la capitale. La Guinée est d'ailleurs confrontée à un sérieux problème du fait des carences du système pénitentiaire : dès le début du conflit, tous les détenus de droit commun se sont échappés et le ministère de la justice est en train de procéder à un recensement des prisonniers de droit commun lâchés dans la nature. Du fait du manque d'infrastructures civiles, les prisonniers de guerre sont donc tous détenus dans des casernes de l'armée, à Bissau et dans l'intérieur du pays, à l'exception de ceux qui ont été placés à la prison de Mansoa (une soixantaine). Les autorités guinéennes ont demandé à l'Union Européenne de prendre en charge la réhabilitation de la prison de Bra dans la capitale.

Nous avons visité deux centres de détention, considérés comme réservant les pires conditions aux prisonniers, la prison située à la base de la marine de Bissau et celle de la base aérienne.

1. 1. La prison de la base maritime

Quarante-cinq personnes y sont détenues, dont la quasi-totalité de l'état-major de l'armée et de la police du régime de l'ex-président Vieira et plusieurs officiers supérieurs. Deux bâtiments se font face et sont séparés par une cour dont se dégage une forte odeur due à l'eau stagnante. La caserne étant située sur un terrain jouxtant le port, à chaque marée haute la cour et plusieurs cellules sont envahies par l'eau. Aucune toilette ne fonctionne mais, à marée haute, de l'eau en déborde et vient noyer une partie des cellules.

Les prisonniers, faute de place, sont entassés en grand nombre dans des cellules exiguës. Dans une pièce d'environ 4m sur 3 sont ainsi détenues 12 personnes. Une seule salle d'eau est disponible pour l'ensemble des 45 détenus. L'infirmerie ne dispose d'aucun médicament et ceux-ci sont fournis par les familles.

Nous avons pu nous entretenir librement avec les prisonniers qui ont élu parmi eux un porte-parole pour chaque cellule. Ils reçoivent la visite de leurs familles durant le week-end et celles-ci peuvent leur apporter leur nourriture tous les jours. Plusieurs prisonniers nous ont dit qu'il leur arrive de nourrir leurs gardiens quand la nourriture qu'ils reçoivent est abondante. Tous nous ont affirmé qu'ils sont correctement traités et que, depuis leur arrestation, ils n'ont subi aucun sévice ni aucun mauvais traitement.

Leur situation est toutefois préoccupante du fait de la totale insalubrité du lieu et du manque de soins des prisonniers malades. L'un d'eux est en effet diabétique, un autre semble connaître des problèmes moteurs depuis qu'il est incarcéré, et aucun malade ne reçoit les soins que nécessiterait son état.

1. 2. La prison de la base aérienne à la sortie de la capitale

Cent quarante-sept personnes y sont incarcérées, dont 14 civils. Parmi eux, le ministre de la défense de l'ancien régime et l'un des hommes d'affaires les plus controversés de l'entourage de l'ex-président, Manuel Santos dit Manecas. L'insalubrité du lieu est également sujet de préoccupation et, s'il n'y pas de problèmes d'humidité, la promiscuité des détenus est plus grande qu'à la caserne de la marine. Dix à quinze personnes dorment dans des cellules d'environ 2,5m sur 2,5.

Là aussi, nous avons pu nous entretenir avec les prisonniers qui nous ont précisé ne pas avoir été maltraités depuis leur arrestation. Il reconnaissent que leurs conditions de détention se sont légèrement améliorées depuis la visite du Procureur général en septembre. Avant cette visite, ils étaient jusqu'à une quarantaine par cellule. Ils étaient contraints de demeurer dans leurs cellules la plus grande partie de la journée. Depuis, ils peuvent passer plus de temps à l'extérieur des bâtiments et ont l'autorisation de laisser ouvertes les portes des cellules, même la nuit, pour bénéficier d'un peu plus d'air. Leurs familles peuvent leur rendre visite deux fois par semaine et apportent la nourriture tous les jours. Plusieurs détenus se sont plaints du fait qu'un militaire est toujours présent lors de la visite des familles. Par ailleurs, les prisonniers se plaignent également de problèmes de santé, et du manque d'accès aux soins.

2. Leur situation face au système judiciaire

2. 1. Aperçu historique


Depuis l'indépendance jusqu'en 1981, c'est-à-dire, sous le régime de Luís Cabral, le système judiciaire de la Guinée-Bissau était considéré comme étant au service de la Révolution et s’apparentait, avec ses excès, à une justice populaire. Avec la prise du pouvoir par Nino Vieira, la justice est restée totalement inféodée au pouvoir politique, devenant le bras séculier du parti unique, le PAIGC. Le Président de la République nommait et révoquait, à son gré, tous les magistrats du Parquet comme du siège ainsi que le Procureur Général et le Président de la Cour Suprême de Justice.

Monsieur Emiliano Nosolini, actuel Président de la Cour Suprême, a déclaré à la mission de la FIDH :

"L'indépendance de la justice n'était qu'une apparence. Consacrée, certes, dans les textes des lois, elle ne se manifestait nullement dans la pratique. Moi-même, j'ai du quitter la Cour a l'époque de Nino".

Les différents témoignages recueillis par la mission confirment cette affirmation. En effet, chaque fois qu'il était donné à la mission de poser la question de savoir par quel secteur de la vie nationale l'aide extérieure devait commencer, la réponse était sans équivoque : "Par la réforme du système judiciaire". Et de renchérir : "Il n'y a jamais eu de justice en Guinée-Bissau".


2. 2. Une volonté de réforme et beaucoup d'incertitudes

La mission de la FIDH a constaté, auprès des autorités actuelles, une volonté politique réelle de restaurer le système judiciaire a travers une série d'actes et de mesures législatifs et réglementaires, notamment en ce qui concerne le statut et le mode de désignation du Procureur Général et du Président de la Cour Suprême de justice. Placé au même rang protocolaire que celui de Premier Ministre, le Procureur général sera nommé par le Président de la République, sur proposition du Conseil des ministres, pour 4 ans renouvelables une fois. Egalement placé au même rang que le Premier ministre, le Président de la Cour Suprême sera coopté parmi ses pairs, pour un mandat de 5 ans également renouvelable une fois. Ni l'un ni l'autre ne seront révocables en cours de mandat.

Mais la mission a relevé, aussi, les limites et les insuffisances de cette volonté politique.
D'abord, aux termes de l'accord d'Abuja, toutes les autorités sont en place à titre provisoire, leur qualité définitive dépendant des prochaines élections. De ce fait, le risque d'une remise en question de toutes ces initiatives, y compris législatives, est important. En outre, les conditions matérielles et sociales des magistrats du siège, comme du parquet, ne se sont guère améliorées. Les cours et les tribunaux sont dépourvus des moyens logistiques les plus élémentaires. A titre tout a fait illustratif, on peut noter que la Cour Suprême de justice, qui est la plus haute juridiction, manque de salle d'audience et que le cabinet de son Président est inondé d'eau à chaque pluie. Enfin, pour une population estimée à un million d'habitants, il n'y a que 20 magistrats du parquet, 24 juges des tribunaux de secteur, 19 juges des tribunaux de province et 9 juges de la Cour Suprême : très peu pour une justice qui veut donner des garanties d'indépendance.

En dépit des propos rassurants tenus par quelques unes des personnalités rencontrées, la mission de la FIDH est d'avis que cette indépendance apparaît, dans le contexte actuel, plutôt comme un voeu, comme une espérance lointaine dont la confirmation dépendra, essentiellement, du cadre institutionnel issu des élections du 28 novembre prochain.

En attendant, le décalage observé entre le discours politique tenu par les actuels dirigeants et l'application des textes demeure considérable.

Il en es ainsi, par exemple, du respect du délai de garde à vue. Théoriquement de 48 heures, au delà duquel l'inculpé doit être déféré devant le Ministère Public à qui revient la décision de sa mise en détention préventive ou en liberté conditionnelle, ce délai est, actuellement, objet d'une dangereuse dérive. En effet, devant l'absence d'établissements pénitentiaires, les officiers de police judiciaire gardent les personnes en état d'arrestation, sans toutefois les déférer devant le Ministère Public. La plupart des cachots se sont donc transformés en prisons. Et le Ministère Public assiste, impuissant, à ces gardes a vue prolongées. Mais le dépassement du délai légal incombe également à des magistrats du Parquet. Il suffit de lire le point 4.2 du dernier communiqué de presse de l'Ordre des Avocats, daté du 23 Octobre, pour s'en convaincre : "Os pedidos de habeas corpus remetidos pela PGR ao Supremo Tribunal de Justiça, sem respeitar os prazos da lei, continuam pendentes no Supremo Tribunal de Justiça [...]." (Cf. Annexe n° 3).
Il en est de même pour ce qui concerne le régime de la détention préventive, dont les délais sont aussi régulièrement violés. L'instruction est souvent longue, sans que cela soit justifié par les besoins d'investigation ou de recherche de preuves de culpabilité du prévenu. Dans la plupart des cas observés par la mission de la FIDH, cette détention prolongée est due, essentiellement, aux difficultés d'ordre matériel et logistique qui pèsent sur le Ministère Public ou, encore, à des raisons d'ordre politique.

Selon la législation, le Ministère Public dispose de 20 jours pour faire l'acte d'accusation provisoire et de 45 jours pour établir l'acte d'accusation définitif pouvant permettre de déférer le prévenu devant le juge d'instruction, sur la base d'une ordonnance de fixation de date d'audience avec notification à toutes les parties et témoins. La même disposition légale prescrit qu'au regard de la complexité de la matière traitée, ce délai de 45 jours peut être prorogé, une seule fois, pour une durée de 30 jours, au delà desquels le prévenu devra être impérativement remis en liberté. Or, dans la pratique, cette exigence légale est peu respectée.

2. 3. Les droits de la défense

Le 9 juillet 1999, les prisonniers de guerre qui étaient encore sous l'autorité de la junte militaire ont été transférés au Parquet général de Guinée-Bissau. La mission de la FIDH a noté qu'aucun acte juridique n'a été émis à l'appui de ce transfert qui garde, par conséquent, toute son importance politique.

Une fois devant le Ministère Public, tous les prévenus ont été interrogés. Mais, faute d'acte d'accusation, aucun d'eux ne semble connaître avec exactitude, du moins formellement, les griefs qui seraient à la base de son arrestation. Tous les délais concernant la détention préventive sont largement dépassés. Dans les milieux officiels, on annonce la libération prochaine de 60 à 65% des prévenus : une intention pourtant systématiquement ajournée. Interrogé à ce sujet, le Ministère Public invoque le risque que comporterait la libération de certains détenus associés à des atrocités diverses commises pendant le régime de Nino Vieira, voire à des assassinats, face aux familles des victimes qui clament vengeance. Dans le communiqué déjà cité, le Conseil de l'Ordre des Avocats critique cette attitude (points 4.3 et 4.4). D'une façon générale, les avocats avec lesquels nous nous sommes entretenus déclarent que les requêtes introduites en rapport avec le respect, par le Ministère Public, du délai légal de détention ont été, soit rejetées, soit purement et simplement laissées sans suite. Sur les 385 détenus pour faits de guerre, un seul, M. Manuel Santos, s'est vu délivrer un acte d'accusation provisoire.

La question de la libération provisoire des détenus est en fait au centre d'un vaste imbroglio. Bien que les chiffres diffèrent d'un interlocuteur à l'autre, nous pouvons conclure des entretiens que nous avons eu avec les membres du gouvernement et les représentants du ministère public, que 60 à 65% des détenus devraient être prochainement libérés et placés sous le régime de la liberté provisoire jusqu'à leur procès. Mais, si seules des raisons techniques sont avancées pour expliquer leur maintien en détention malgré la décision officielle de les libérer, le dossier semble beaucoup plus complexe.

Deux raisons principales sont invoquées pour expliquer leur maintien en détention. Celui-ci aurait pour but de les protéger des vengeances possibles (voir supra). Leur libération impliquerait donc que les autorités garantissent leur protection ce qui, dans les circonstances actuelles, se révèle difficile.

D'un autre côté, plusieurs membres du gouvernement et la hiérarchie militaire paraissent craindre qu'une fois libérés, ces prisonniers n'aillent grossir les rangs des partisans de l'ex-président Vieira réfugiés en Guinée Conakry, et qui atteindraient actuellement quelques centaines d'individus.
S'agissant du respect des droits de la défense, la situation n'est pas moins inquiétante. D'après la législation en vigueur (Bulletin Officiel Nº 52, du 28 décembre 1992), la défense peut être assurée par des avocats (115 avocats sont actuellement inscrits au Barreau de Guinée-Bissau), par des titulaires du Baccalauréat et, lorsqu'il s'agit de tribunaux de secteur ou de la région, par des "sollicitateurs"1. La défense des personnes indigentes est, à son tour, organisée par ce qu'on appelle "la défense officieuse". Cette défense officieuse est assimilable au système de commission d’office ou d’assistance “pro deo” qui représente une défense gratuite pour les prévenus.

La mission de la FIDH déplore que seule une quinzaine des prisonniers de guerre ait eu recours au service d'un avocat, les autres étant dépendants de la "défense officieuse", ou encore non-assistés d'un quelconque défenseur. Des efforts seraient en cours, assure-t-on au Conseil de l'Ordre des Avocats, en vue de la régularisation des dossiers de ces détenus.

Il faut enfin déplorer la limitation des recours judiciaires en Guinée Bissau. En effet, les justiciables qui introduisent leur contentieux devant les tribunaux de secteur ne peuvent faire de la décision que devant les tribunaux régionaux qui statuent en dernière instance. De même, les contentieux introduits en première instance devant les tribunaux régionaux ne sont susceptibles de recours que devant la seule Cour suprême.


III. Les atteintes particulières aux droits des femmes

1. Du fait de la guerre

Il ne semble pas que, durant le conflit, les femmes aient été massivement victimes de violations du droit humanitaire. Quelques cas de viol nous ont été signalés, qui n'ont pas pris cependant un caractère généralisé et systématique. Les femmes ont toutefois été l’une des catégories de la population les plus affectées par la guerre dans la mesure où, en l'absence de la plupart des hommes, elles ont dû assurer seules l'entretien et la subsistance de leurs familles. Dans les zones de conflit, ce sont elles qui se sont occupées de l'approvisionnement familial, souvent au péril de leur vie.

En outre, la prostitution a augmenté avec la guerre et la présence de troupes étrangères sur le sol guinéen. L'association Sinim Mira Nasseque, qui a entrepris de faire un recensement des enfants et des femmes victimes de la guerre, nous a signalé l'augmentation à Bissau du nombre de mères célibataires à la fin du conflit, qui connaissent de graves problèmes sociaux.

2. La situation actuelle
Depuis la fin de la guerre, plu sieurs cas de violation des droits humains ont été perpétrés contre des femmes. Une tendance fondamentaliste s'est développée chez les militaires et, au mois de juillet dernier, a débuté une campagne aux forts relents d'ordre moral. Les représentants de la Junte ont proclamé, sur les ondes de leur radio, que le port de jupes courtes constituait une atteinte à la pudeur. A Bissau et à Bafatà, plusieurs adolescentes portant jupe courte ont été agressées, déshabillées en public et molestées par des militaires. Des militaires ont également agressé des couples d'adolescents, frappant les garçons et violant les filles. Cette tendance paraît toutefois minoritaire chez les militaires et, selon les témoignages recueillis, les agressions semblent avoir cessé. Il est cependant préoccupant de constater que seul le Premier ministre a fait mention de ces incidents, et qu'aucune autorité civile ou militaire ne les a officiellement condamnés.
Il convient également de signaler que 61% des femmes guinéennes sont excisées. Si des organisations comme Sinim Mira Nasseque ou la LGDH ont lancé quelques campagnes de sensibilisation à ce sujet, la question des mutilations génitales ne constitue pas encore une des priorités des organisations de défense des droits humains.

IV. L’enjeu électoral


D'un point de vue formel, tout est prêt pour les élections législatives et présidentielle du 28 novembre 1999.

Conformément au calendrier, le recensement et l'enregistrement des électeurs se sont déroulés à Bissau du 22 août au 2 septembre (des difficultés saisonnières et logistiques ont entraîné un prolongement de ces opérations en dehors de la capitale). Sur 550.000 électeurs possibles, 510.000 ont été recensés.

On prévoit l'ouverture de 1.800 à 2.000 bureaux de vote (On pouvait comptabiliser 1.600 bureaux aux précédentes élections de 1994). Quatorze partis politiques participeront aux législatives tandis que douze candidats disputeront les présidentielles. Une centaine d'observateurs internationaux suivront le déroulement des scrutins (le gouvernement a fait une demande auprès des Nations-Unies concernant l'envoi d'observateurs militaires qui seraient chargés de surveiller la frontière avec la Guinée-Conakry et le Sénégal, et de mettre en confiance la population ; au moment de la rédaction de ce rapport, aucune réponse n'était encore connue). Il est prévu cinq scrutateurs, nationaux et internationaux, par bureau de vote.

Les préparatifs des élections et les élections elles-mêmes - dont le coût, supporté par un groupe de pays et organismes donateurs, en particulier l'Union Européenne, la Suède, les Pays-Bas et le PNUD, s'élève à 4,5 millions de dollars- sont coordonnés par une Commission électorale nationale dont le président est élu par le Parlement, assisté par des commissions régionales. Il est prévu de rendre cette Commission permanente et de lui donner pour mission de surveiller l'ensemble des échéances électorales après le 28 novembre 1999.

Il semble important d'indiquer que, par une disposition légale actuellement en vigueur en Guinée Bissau, chaque candidat à l'élection présidentielle est censé toucher la somme de 25000 US$ afin de financer sa campagne électorale. Faute de moyens, et à notre connaissance, aucun des candidats en liste n'a actuellement touché cette somme.

Officiellement, la campagne a débuté le 5 novembre. Depuis lors, la population a entamé un compte à rebours des jours qui la séparent de la concrétisation d'une promesse formulée par la Junte militaire : l'installation d'un régime démocratique.

Toutes les personnalités, toutes les organisations contactées par la mission de la FIDH estiment, en effet, que l'accomplissement du processus électoral est une condition indispensable à la relance économique et politique du pays. Tous les projets sont en état d'attente, notamment ceux qui dépendent de l'aide internationale.

Néanmoins, le chemin à parcourir semble semé d'embûches. Certains craignent une "islamisation" du pouvoir et une “revanche” des musulmans qui ont été jusqu’ici politiquement marginalisés, le leader de la Junte, le général Ansumane Mané et le candidat du PAIGC et président de la République en exercice, M. Malam Bacai Sanha, étant, tous les deux, musulmans. D'autres dénoncent une éventuelle "ethnicisation" de la vie politique qui détruirait l'équilibre fragile d'un pays caractérisé par une multitude d'ethnies et par le croisement de peuples aux origines les plus diverses (quoique reléguée pour l'instant aux oubliettes, la récente tentative d'amendement de l'article 5 de la Constitution, interdisant aux citoyens de la Guinée-Bissau n'ayant qu'un seul de leurs parents né dans le pays, d'occuper de hautes fonctions, en serait un bon exemple). Certains aussi redoutent les conséquences d'un décalage entre l'élection des députés et l'élection du Président de la République. Vraisemblablement, l'élection présidentielle exigera un second tour qui, étant donné les échéances fixées par la loi ainsi que l'approche des fêtes de Noël, ne pourra avoir lieu avant la fin du mois de janvier. Cette échéance lointaine contribue à raviver les craintes de la population qui s'inquiète de cette longue période de vide juridique et politique pendant laquelle la plus grande instabilité peut régner et faire basculer une fois encore le pays dans le chaos.


Le risque militaire

De tous les risques évoqués, le plus redouté concerne, sans aucun doute, le rôle qui sera réservé aux militaires.
À ce sujet, deux faits nous paraissent assez sérieux pour être signalés :

- Dans le domaine de l'information, un litige oppose la radiodiffusion nationale à la radio de la Junte militaire. Cette dernière s'est approprié les émetteurs les plus importants du pays, faisant ainsi main basse sur les fréquences de la radiodiffusion nationale. A l'heure actuelle, cette dernière ne peut plus être captée que dans la capitale et les régions qui l'entourent, tandis que la radio de la Junte diffuse ses émissions sur la quasi-totalité du territoire. Ce faisant, les militaires ont apparemment pour souci de conserver une radio d'audience nationale au moins jusqu'aux élections.

- Après la protestation publique de la LGDH contre les mauvais traitements infligés aux prisonniers de Bafatà, son président par intérim, Monsieur Augusto Mendes, et son chargé de l'information, Monsieur Joao Vaz Mane, ont été convoqués, le 11 octobre à 8h, au siège de la Junte. Là, pendant plus d'une heure, ils ont été menacés de représailles par Ansumane Mané, entouré de dix officiers supérieurs. M. Mané les a insultés sans leur laisser la possibilité de se défendre, leur reprochant notamment de prendre des positions partisanes.

Sans exception, les interlocuteurs appartenant à des ONG que nous avons rencontrées ont fait état de l'atmosphère de crainte diffuse qui règne dans la population et de la nécessité de faire preuve de la plus grande prudence quand on parle des militaires.

L'interrogation majeure les concernant est celle de savoir s'ils vont accepter de rendre réellement le pouvoir aux civils et s'ils sont prêts à retourner dans les casernes. Cette question donne d’ailleurs lieu, au sein de la population et dans le milieu politique, à des réponses opposées.

Certains pensent en effet que tout pourrait se régler avec l'attribution aux militaires, hiérarchiquement les plus importants, d'une somme d'argent leur permettant de bien organiser leur avenir.

D'autres au contraire estiment qu'il ne faut pas dissocier les militaires, vainqueurs de la guerre, des institutions politiques. Cet avis a été notamment exprimé par le Premier ministre, M. Fadul, lors de l'entretien qu'il a accordé à la délégation de la FIDH. Aussi s'apprêterait-il à faire approuver la constitution d'un Conseil de Défense National où siégeraient des dirigeants politiques et les membres de la Junte.

En tout état de cause, pour le moment, le général Ansumane Mané semble avoir la situation de la Guinée Bissau bien en main. La mission de la FIDH a pu remarquer que son portrait est accroché dans les bureaux des membres du gouvernement. Lors du dernier congrès du PAIGC, il est intervenu directement pour écarter 28 délégués qui seraient, selon sa propre opinion, proches de l'ancien président Nino Vieira. Dans le mois qui a précédé les élections, il a multiplié les voyages officiels : la Chine, le Portugal, l'Espagne. Beaucoup pensent en outre qu'il entretient des relations spéciales et privilégiées avec la Lybie qui aurait déjà fourni quelques subsides à l'armée.

De plus, sa popularité reste apparemment intouchable dans un pays où, selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies présenté au Conseil de sécurité, le 29 septembre 1999, les armes légères circulent librement au sein de la population civile. Le Bureau d'appui des Nations Unies, à Bissau, vient d'ailleurs de mettre en place un programme d'incitation visant à encourager les civils à remettre volontairement les armes en leur possession. Ce programme d'échange des armes contre de la nourriture devra se dérouler conjointement avec le programme de démobilisation "commandé" par la Banque mondiale, qui souhaiterait voir les effectifs militaires diminuer de moitié en Guinée Bissau.

L'autorité du Général Mané a d'autant plus d'importance que les militaires sont toujours omniprésents et continuent d'exercer leur contrôle, en particulier dans les provinces, surveillant barrages routiers et points de contrôle et se promenant partout en uniforme. Enfin, sa popularité est grande dans un pays où des milliers d'anciens combattants de la guerre de libération, espèrent toujours une aide qui, pour beaucoup d'entre eux, représente la seule façon de sortir de la misère, face au fléau de la corruption, véritable base de sustentation du pouvoir de Nino Vieira, et qui peut resurgir à la moindre occasion.

Si la principale crainte exprimée pour la Guinée Bissau repose sur le poids du militaire qui pourrait l'emporter sur le pouvoir civil, elle a été renforcée, ces derniers jours, par le projet de "grande charte" présenté par la Junte. En effet, le 18 novembre 1999, l'ensemble du personnel politique a été convoqué par la Junte militaire afin d'approuver la "grande charte", qui constituerait une sorte de prolongation du pacte de transition nationale précédemment adopté. Ce projet devait notamment permettre à la Junte militaire, pour une période de 10 ans, de se prononcer, dans un système de co-présidence, sur les nominations et désignations futures du chef d'Etat major général des armées, du Procureur général de la République et des Ambassadeurs de Guinée Bissau à l'étranger (sic !). Ce projet a suscité de très vives réactions, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, et le porte-parole de la Junte militaire a finalement dû faire une déclaration qui a démenti les "origines militaires" de ce document.

Ces événements récents sont assez révélateurs des tentations actuelles de la Junte de ne pas céder la place au pouvoir civil sans au préalable se préserver certains espaces de contrôle et de pouvoir, qui pourraient malheureusement vider de leur contenu les futures élections et les réduire à une simple mascarade destinée à "tromper" les bailleurs de fonds dont l'aide est indispensable à la subsistance du pays et qui pour certains subordonnent leur appui au bon déroulement des élections du 28 novembre 1999.

En conclusion, si, au vu des éléments recueillis par la mission de la FIDH, il ne paraît pas y avoir d’atteinte grave et systématique aux droits humains pendant et après la guerre, la principale préoccupation aujourd’hui concerne les relations actuelles et à venir entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire. L'hypothèque militaire semble peser de plus en plus sur la vie politique du pays, et les élections du 28 novembre constitueront probablement un indicateur clair sur la direction qui sera prise par la junte. Il est indispensable que ces élections se déroulent dans de parfaites conditions de transparence et de démocratie, et que la junte militaire se plie à la volonté populaire qui s'exprimera alors. C'est uniquement à cette condition que la Guinée Bissau pourra à nouveau assurer son développement démocratique et économique, en bénéficiant dans les meilleures conditions d'une aide extérieure.

En outre, s'il semble que la situation en matière de sécurité intérieure soit rétablie, une certaine instabilité continue de régner dans le pays. Il a été évoqué la circulation quasiment libre des armes légères en Guinée Bissau. Cette circulation des armes est généralisée dans toute la sous-région, à la suite notamment des conflits au Libéria et en Sierra Léone. On pouvait trouver tout dernièrement des mines anti-personnel en vente quasi-libre sur les marchés en Casamance au prix unitaire de 1500 CFA (soit 15 FF). Le contexte sous-régional n'est pas propice à un apaisement de la situation. La Casamance reste source de turbulences et si le Général Mané a donné au Président de la République du Sénégal, Monsieur Abdou Diouf, des gages de bonne volonté pour le réglement du conflit et la poursuite des négociations entre les autorités sénégalaises et le MFDC, le rôle qu'il continue de jouer dans la crise en compagnie du Président Gambien n'est pas clair.

En outre, les relations entre la Guinée Bissau et la Guinée Conakry restent mouvementées et susceptibles de dérapages. En effet, si le Sénégal a en quelque sorte reconnu les erreurs commises lors de son engagement militaire dans le conflit en Guinée Bissau, les autorités de Conakry n'ont pas jugé prioritaire de rétablir leurs relations avec leur voisin. Outre le soutien militaire qu'elle a apporté au Président déchu Nino Vieira, il est maintenant confirmé que ce dernier vient fréquemment rendre visite au Président Lansana Conté. La junte militaire au pouvoir en Guinée Bissau est évidemment inquiète de ses visites et craint que l'ancien Président ne reconstitue ses forces militaires avec le soutien de Conakry afin de tenter de récupérer le pouvoir par la force. Si cette hypothèse semble assez peu fondée actuellement, elle ne contribue pas à apaiser les relations déjà tendues entre les deux pays. Des rumeurs ont circulé tout dernièrement sur le survol du territoire de Guinée Bissau par un Mig de l'armée du Président Conté, et des tirs de riposte auraient été entendus. Si cet incident n'est pas significatif à lui seul, il constitue en revanche un exemple des "joutes" militaires susceptibles de déraper et d'entraîner les deux Etats sur un terrain plus que glissant.

Il est enfin important de replacer ces événements dans le contexte plus général d'instabilité que vit actuellement l'Afrique de l'Ouest, au regard notamment des derniers conflits au Libéria et en Sierra Léone, mais également à la situation extrêment tendue que vit depuis plusieurs semaines la Côte d'Ivoire.


Notes :
1. Les “sollicitateurs” sont des personnes qui n’ont pas le diplôme requis pour exercer la profesion d’avocat mais qui, de part leur expérience pratique (profession de greffier, d’huissier, etc.), ont la possibilité d’assurer la défense des prévenus.


Annexe 1 : liste des personnes rencontrées

Ligue guinéenne des Droits de l'Homme :
- Augusto Mendes, président par intérim
- Inàcio Tavares, vice-président
- Bindo Maeques
- Joao Vaz Mane, membre du bureau, chargé de l’information.

Organisation des Nations Unies :
- Samuel Nana-Sinkam, représentant du Secrétaire général
- Mbam Diarra, chargée des affaires politiques
- Guillaume Ngefa, chargé des droits de l'Homme
- Nelly Saleh, chargée des élections
- Henriette Keijzers, représentante résidente adjointe du PNUD.

Organisations non gouvernementales :
- Association féminine Sinim Mira Nasseque ("Nous pensons à l'avenir") : membres de la direction.
- Association guinéenne d'études alternatives (ALTERNAG): David Veracruz, secrétaire exécutif.
- Association des femmes dans les activités économiques (AMAE): Fatima Barros, présidente de l'Assemblée générale; Fernanda Ribeiro, secrétaire de l'Assemblée administrative; Adama Diallo, secrétaire exécutive.
- Mouvement national de la société civile pour la paix, la démocratie et le développement (Movimento): représentants de 5 ONG faisant partie du comité directeur.

Journalistes, officiels et autres :
- Radiotélévision de Guinée-Bissau: Mamadu Djau, directeur général
- Radiodiffusion nationale: Fernando Pereira, directeur général; Porfirio Costa, directeur adjoint, Ricardo Soares, directeur de programmes
- Radio voix de la junte militaire: deux journalistes
- Adalberto Rosa, correspondant à Bissau de l'Agence de presse portugaise
- Wilson Barbosa, secrétaire général du Ministère de la Justice
- Helder Vaz Lopes, président du parti d'opposition Bâ-Fata
- Emiliano Nosolino, président de la Cour Suprême
- Mamadou Saïdou Baldé, vice-procureur général de la République
- Francisco Fadul, premier ministre.
- Francisca Vaz Turpin, maire de Bissau
- Joseph Turpin, conseiller diplomatique
- Miguel Amado, représentant de l'Union européenne
- Higino Cardoso, président de la Commission nationale électorale
- Malam Bacaï Sanha, président de la République par intérim
- Carlos Pinto Pereira, avocat

Annexe 2 : Repères

Population :
1 036 000 habitants

Langues parlées :
portugais, créole, mandé

Ethnies :
il existe une vingtaine de groupes ethniques, dont le plus important est celui des "balanta". Les divisions ethniques et religieuses n'ont pas débouché sur des divisions politiques
Située sur la côte occidentale d'Afrique, la Guinée-Bissau est limitée par les républiques du Sénégal et de la Guinée-Conakry. Elle s'étend sur une superficie de 36.125 km2, avec une population d'environ 1.036.000 d'habitants qui se répartissent dans les trois provinces Nord, Sud et Est composées de neuf régions et de trente-six secteurs incluant le SAB (Secteur Autonome de Bissau). Elle est un pays hétérogène enraciné dans diverses cultures et traditions ancestrales séculaires qui malgré la colonisation sont restées vivantes dans l'esprit de ses vrais héritiers. A cause d'une domination coloniale exacerbée les nationalistes ont mené une lutte armée contre " l'envahisseur ", lutte armée dont l'objectif résidait dans l'élimination de toutes les formes de domination et dans la restauration de la liberté et du respect envers le citoyen bissau-guinéen. Après la libération coloniale obtenue au prix d'énormes sacrifices, le peuple s'est ainsi attelé à la tâche de la reconstruction nationale.

· Chronologie des principaux événements :

  • 19 septembre 1956 : fondation du PAIGC/ Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap Vert par Amilcar CABRAL. Ce parti jouit encore aujourd'hui d'une popularité considérable en raison de son rôle dans la guerre de libération contre le colonisateur portugais.

  • 1963-1973 : guerre de libération

  • 23 janvier 1963 : Début de la guérilla contre le colonisateur portugais sous la direction du PAIGC.

  • 20 janvier 1973 : Assassinat d'Amilcar CABRAL.
  • 21 janvier 1973 : Amilcar CABRAL est remplacé par son demi frère, Luis, qui proclame la République de Guinée Bissau sur les territoires contrôlés par le PAIGC dont il devient le Président. République d'obédience marxiste.

  • 1973-1980 : régime de Luis CABRAL

  • 10 septembre 1974 : Proclamation de l'indépendance après plus de 500 années de colonisation portugaise.

  • 11 novembre 1980 : Adoption d'une nouvelle constitution. Mise en place d'un système de parti unique et consécration du rôle dirigeant du PAIGC.
  • 14 novembre 1980 : Coup d'Etat du commandant Joao Bernardo dit "Nino" Vieira, ancien Premier Ministre de Luis Cabral.

  • 1980- 1989 : régime du Président Nino Vieira

  • Dès son arrivée au pouvoir, Nino Vieira dissout l'Assemblée Nationale.
  • 14 mai 1984 : Elections législatives.
  • 16 mai 1984 : Vieira est nommé chef de l'Etat. Suppression du poste de Premier Ministre.

  • 1986 : Face aux graves difficultés économiques que traverse le pays, le Président Vieira lance un programme de libéralisation économique.

  • 15 février 1989 : Création d'une commission de révision de la Constitution. Début du processus de démocratisation.

  • 1989- aujourd'hui : transition démocratique. Maintien au pouvoir de Nino Vieira

  • 8 octobre 1990 : Ouverture d'une Conférence nationale sur le multipartisme.

  • 8 mai 1990 : Adoption de la loi sur le multipartisme.

  • 1er octobre 1991 : Adoption de la loi sur la liberté de la presse.
  • Mai 1991 : L'Assemblée Nationale Populaire vote la suppression de l'article 4 de la Constitution qui donnait tous pouvoirs au parti unique. Porte ouverte au multipartisme et à l'instauration d'un réel débat politique.

  • 27 décembre 1991 : Création du poste de Premier Ministre attribué à Carlos COREIRA (membre de la commission politique du PAIGC).

  • 1992 : Le Président Vieira propose la tenue d'élections présidentielles et législatives multipartites pour la fin de l'année.

  • Mai 1992 : Mise en chantier d'une nouvelle constitution.

  • 3 novembre 1992 : Report des élections.

  • Mars 1993 : Formation d'une commission nationale électorale chargée d'organiser les élections.
  • 17 mars 1993 : Annonce de l'échec d'une tentative de coup d'Etat. Arrestation d'une quinzaine de militaires et de personnalités de l'opposition.
  • 27 mars 1993 : Les élections prévues pour cette date sont reportées.

  • 27 mars 1994 : Les élections présidentielles n'ont pas lieu et sont reportées sine die car le programme électoral a pris un retard de 4 mois (le recensement n'a toujours pas été réalisé et la création de commissions électorales locales a pris du retard).

  • 3 juillet 1994 : Premier tour des élections générales multipartites.

    * Législatives : le PAIGC obtient 64 sièges sur 100 et le PRS obtient seulement 12 sièges.

    * 1er tour des présidentielles : Vieira recueille 46% des suffrages et son challenger, Koumba Yala, obtient 21% des suffrages.

  • 7 août 1994 : Deuxième tour des présidentielles.

    * Vieira est élu Président de la République avec 52% des voix contre 48% pour son rival.

  • Octobre 1994 : Nomination de Manuel Saturnino Da Costa au poste de Premier Ministre (secrétaire général du PAIGC). celui-ci forme un gouvernement qui ne comprend aucun membre de l'opposition.

  • Janvier 1996 : Remaniement ministériel

  • Septembre 1996 : La Guinée Bissau préside le Conseil de sécurité de l'ONU

  • 2 mai 1997 : Entrée de la Guinée Bissau dans la zone franc.

  • 7 Juin 1998 : La guerre civile éclate entre le gouvernement et une partie de l’armée dirigée par Ansumane Mané.

  • 26 août 1998 : Accord de cessez-le-feu signé à Praia.

  • 1er novembre 1998 : Signature de l’accord d’Abuja entre le gouvernement du Président Joao Bernardo Vieira et la junte militaire d’Ansumane Mané.

  • 5 mai 1999 : Reprise des hostilités ; le Président Joao Bernardo Vieira est discrédité par l’ensemble des politiques, y compris par certains députés de son propre parti.

  • 7 mai 1999 : Coup d’Etat ; le Président Vieira est renversé et un gouvernement de transition est mis en place.

  • 28 novembre 1999 : Elections législatives et présidentielle.

· Principaux partis politiques


- PAIGC : Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap Vert. Parti unique jusqu'en 1993.

- PRS : Parti de la rénovation sociale. Créé en 1992 par Koumba Yala, ancien membre du PAIGC exclu en 1989 pour avoir défendu une certaine ouverture et libéralisation du parti.

- PRD : Parti pour la Rénovation et le Développement. Dirigé par Joao DA COSTA (ancien ministre de la santé de Luis Cabral/accusé d'avoir participé à la tentative de coup d'Etat du 17 mars 1993)

- RGB : Résistance de Guinée Bissau-Mouvement Bafata. Principale organisation de l'opposition dirigée par Domingos Fernandes.

- PCD : Parti de la Convergence Démocratique. Dirigé par Victor Mandiga.

- FD : Front Démocratique, dirigé par Aristide Menezes. Le FD est couramment considéré comme la couverture du PAIGC.

- FDS : Front démocratique Social, dirigé par Raphael Barbosa (membre fondateur du PAIGC, emprisonné pendant 17 ans pour prétendue trahison et collaboration avec le Portugal).

- FLING : Front de lutte pour l'indépendance nationale de la Guinée Bissau, dirigé par François Kankoila Mendy (parti installé à Dakar).

- PUSD : Parti Unifié Social Démocrate, dirigé par Victor Saude Maria (ancien Premier Ministre de Vieira). Parti proche du PAIGC.

- LIPE : Ligue pour la protection écologique.

· Etat des ratifications

La Guinée Bissau a ratifié les conventions suivantes :

- Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966.
- Convention relative aux droits de l'enfant de 1989.
- Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979.
- Convention relative au statut de réfugié de 1951 et protocole additionnel s'y rapportant.

La Guinée Bissau n'a pas ratifié les conventions suivantes :

- Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 1966.
- Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984.
- Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965
- Convention internationale sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid de 1973.
- Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.
- Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité de 1968.
- Convention sur les droits politiques de la femme de 1952.
- Convention(s) sur l'esclavage.

Annexe 4 : Rapport du secrétaire général présenté en application de la résolution 1216 (1998) du conseil de sécurité, relative à la situation en Guinée Bissau - disponible uniquement dans la version papier.