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Les Diolas

Les Diolas (ou Joola ou Jola) se trouvent sur un territoire qui s'étend sur la Gambie, la Casamance et la Guinée-Bissau dont l'histoire est marquée par l'héritage des empires coloniaux britannique, français et portugais auquel il faut ajouter le rayonnement des vénitiens qui sont les premiers occidentaux à avoir abordé cette région en 1456. De nombreux Diolas ont immigré notamment autour de Dakar. L'identité des Diolas est caractérisée par l'usage de la langue diola. Ils représentent une petite partie de population bissau-guinéenne (environ 35 000 personnes).

Ils sont assez nombreux dans les régions de Varela et São Domingos (nord-ouest de la Guinée-Bissau). En fait les Diolas sont divisés en de nombreuses communautés qui parfois ont des langues assez différentes : les Essyls, les Fognis, les Erings, les Bayots ou les Floups font partie de ces sous-ethnies diola qui ont donné leurs noms aux terroirs qu'ils occupent. Les plus nombreux en Guinée-Bissau sont les Floups et les Bayots... Les plus connus sont sans aucun doute les Floups dont le roi, le roi d'Oussouye (en Casamance, à une quinzaine de kilomètres de la frontière bissau-guinéenne), exerce encore des pouvoirs traditionnels importants.

Ils sont pour la plupart agriculteurs et excellent dans la culture du riz à laquelle ils ont apporté des techniques agricoles très avancées. Mais les missions catholiques prodiguant un enseignement de qualité, notamment en Casamance, de l'autre côté de la frontière, on les retrouve aujourd'hui parmi les cadres les plus élevés de l'économie, de l'administration ou de la politique. Un des présidents par intérim après la chute de Nino fût d'ailleurs un Diola : Malam Bacam Sagna (Sanha).
Une partie importante de la présence diola en Guinée Bissau est constituée de réfugiés harcelés par l'armée sénégalaise en Casamance où nombreux sont les villages qui ont été anéantis. Le chef emblèmatique de la rebellion est d'ailleurs diola : l'abbé Augustin Diamacoune. Leurs noms de famille les plus courants sont Diatta, Badji, Sagna, Goudiaby, Mane, Sanne, Badiane, Bassene, Himbane, etc.. Si de nombreux Diolas sont musulmans au Sénégal (les Fognis), la plus grande partie des Diolas de Guinée Bissau sont soit catholiques soit adeptes des croyances traditionnelles.

Les Diolas sont présents dans les pays suivants : Casamance, Gambie, Guinée-Bissau
Population en Guinée-Bissau : ~35 000
Activité traditionnelle en milieu rural : Agriculture

Sommaire

  

Histoire

Les traditions orales sénégambiennes attestent que les peuples de Sénégambie dont les ancêtres des Diolas, apparentés aux Sereres et aux Peuls, sont originaires de la vallée du Nil (1). Avant l'arrivée des Diolas en Casamance, la région était peuplée de groupes apparentés aux anciens Tellem du Mali. Les Diolas, à l'époque de l'Empire du Mali vivaient beaucoup plus à l'est, vers le Mali. Ils furent amenés à occuper la région de la Casamance, suite à l'avancée des Malinkés conquérants. Les Diolas, une fois installés en Casamance, cohabitaient avec d'autres ethnies, les Baïnouks qui ont précédé les Diolas en Casamance, les Balantes, les Manjaques, Peuls, Sossés. Les Diolas créent plusieurs états indépendants, rivalisant surtout avec les Bainouk qui eux aussi étaient à la tête de puissantes chefferies. Les Malinkés dirigés par Tiramakan Traoré, lieutenant de Soundiata Keita, fondateur de l'empire du Mali, imposèrent leur domination sur les Diolas, avec le royaume malinké du Kaabu. Les Diolas et les Mandingues, s'infuencèrent et s'empruntèrent des éléments culturels. Également, les rois malinkés du Kaabu avaient souvent des origines diolas par leur matrilinéage, cette cohabitation entre Diolas et Malinkés, explique par exemple certains patronymes qu'ils ont en commun (Mané, Sané, Diaby, Sonko, Sagna, etc). Les Diolas ont toujours été réputés pour leur fierté, la quasi-impossibilité de les soumettre, un peuple à la fois guerrier et pacifique.

Culture

Tournoi de lutte chez les  Diolas FloupsLa culture diola est caractérisée par le respect sacré des valeurs ancestrales. Leur sens aigu de la liberté et leur besoin de référence par rapport à leur identité ont été les racines de leur évolution historique propre. Ils ont refusé toute domination étrangère et toute collaboration avec les esclavagistes dès la première heure. Leurs chefs ont estimé qu'une personne ne peut être ni vendue ni être arrachée aux siens au nom de la force ou pour des raisons commerciales. Ils se sont opposés au recrutement forcé par la France de jeunes pour les guerres mondiales (1914-1918 et Seconde Guerre mondiale).
La scolarisation a rapidement évolué de quelques unités pour mille en 1942 à pratiquement 100% dans les années 1980. Le français est d'usage quotidien en Casamance et chez les jeunes il alterne librement avec le diola. Cette alphabétisation n'a produit aucun élan enthousiaste et à grande échelle vers la transcription écrite du diola.

Photo à droite : tournoi de lutte diola en l'honneur du roi des Floups

L'histoire comparée des Diolas en Gambie, en Casamance et en Guinée-Bissau reflète des différences de comportement significatives. En Gambie, l'Angleterre a pu éviter par le respect des traditions et des coutumes, les conflits vécus par les Portugais et surtout par les Français en Casamance. Les contacts des Portugais avec la Guinée et la Casamance ont débouché sur de nombreux conflits et une guerre de libération dont l'aboutissement a été l'indépendance de la Guinée Bissau.
Les Diolas, les Manjaks, les Mankagnes, les Balantes et les Cap-Verdiens n'ont jamais cessé de servir de trait d'union entre la Gambie, la Casamance et les îles du Cap-Vert. Le créole portugais est la passerelle culturelle entre ces groupes. En Guinée-Bissau, les Diolas, les Manjaks, les Balantes et les Pepels constituent les groupes les plus typiques.
En Gambie, un dialecte, l'aku, dérivé de l'anglais, constitue un facteur d'unité entre les ethnies. La Casamance apparaît comme un trait d'union entre la Gambie et la Guinée, où les Diolas, les Mandingues, les Manjaks, les Mankagnes et les Balantes jouent un rôle prédominant. Ce lien est apparu de façon évidente dans les luttes pour l'indépendance de la Guinée et des Iles du Cap-Vert et par les changements de régime en Gambie qui ont secoué la Casamance. Chaque conflit a provoqué des mouvements de réfugiés au-delà des frontières politiques à l'intérieur de cette entité culturelle.

Si la Gambie est à dominante musulmane, la Casamance est en grande majorité musulmane et de religion traditionnelle, mais certains villages comme Brin par exemple sont entièrement catholiques tout en gardant également des habitudes de la religion initiale.

La lutte traditionnelle diola est une lutte sans frappe. Les lutteurs combattent entre villages par tranche d’âge. Elle est pratiquée par les garçons entre 7 et 30 ans dans certains villages de la Casamance : région d’Oussouye et du Cap Skirring. Les combats ont lieu à la fin de la saison de la culture du riz en septembre. Deux villages, Mlomp et Kagnout, organisent également des luttes au mois de février.

Voir la page sur la langue diola

 

Religion

La religion traditionnelle des Diolas est typiquement africaine. Les Diolas croient en un seul dieu créateur: Atemit, puissance invisible à l'origine de toute chose, il est l'esprit et l'ordre d'essence cosmique : Atemit sembe (Dieu est force et puissance). Comme dans toutes les religions africaines, les ancêtres de la communauté servent d'intermédiaires entre Dieu et les hommes, entre le monde visible et le monde invisible, Dieu étant considéré comme trop élevé pour lui adresser des prières directes. Pour le Diola, les esprits jouent également un rôle dans l'ordre de la nature et leur relation avec Dieu. Chaque élément de la création ayant une essence divine, protégé par des esprits (Boechin), pour le Diola, le respect de la nature et de la vie est primordial. Le Diola est remarquablement respectueux de principes inscrits dans sa vie religieuse, dans sa conduite, dans son histoire, dans la nature. La religion régit toute la vie du Diola. Les cérémonies religieuses sont nombreuses, et accompagnées de prières, sacrifices, offrande, pour évoquer les ancêtres, les Boechin, afin d'atteindre Dieu et les bienfaisances de sa création. Les cérémonies de l'initiation, liées aux diverses étapes de la vie, qui ont pour but de faire découvrir à l'homme ou la femme Diola, les enseignements ésotériques. Les femmes et les hommes sont initiés séparément, ils ont leur propre Bois sacré, lieu de l'initiation. Les grands initiés peuvent devenir prêtres ou prêtresses. Il y a également la cérémonie de la circoncision pour les garçons. L'homme s'abandonne à la justice divine, ce qui explique le refus de la domination de l'homme par son semblable. Les conflits entre les Diolas et les pouvoirs administratifs du Sénégal depuis l'indépendance sont l'expression d'une volonté de conserver la tradition, liberté culturelle et à l'identité. Bon nombre de Diolas sont chrétiens. La religion traditionnelle est de moins en moins pratiquée, ou bien elle subsiste sous forme de syncrétisme surtout avec le christianisme. De nombreux Diolas, adhérent également a l'islam. Les adeptes de la religion traditionnelle luttent pour la préserver.

Groupes

Sur la rive droite du fleuve Casamance se situent :

  • Le Boulouf, peuplé du peuple Bluf Eblufayi en diola (singulier : Abluf) ou Ejugutayi)
  • Le Fogny (en allant vers la Gambie), peuplé de Fognis Efogniayi en diola, Fogni Kombo et Efogniayi (singulier Afogni) avec une forte composante Manding.
  • Le Kalunay (à l'Est du Boulouf) peuplé d'un melting-pot de Diola et de Manding Elunay (singulier Alunay)
  • En Guinée-Bissau les Ejamat sont majoritaires.
  • Sur le littoral de l'océan Atlantique et dans les îles s'étend le pays des Blis-Karones dont les habitants sont appelés Eblinayi et Eronayi (singulier Ablin).

Dans le Fogny et le Boulouf le fond culturel baïnouk est présent. Les Baïnouks (ou Baynunks, singulier Abaynunk) vivent en symbiose avec leurs voisins diolas qu'ils ont souvent précédés sur leur sol. Diola et Baynunk deviennent de plus en plus synonymes.

Sur la rive gauche du fleuve Casamance se situent :

  • Hulun, le pays des Elunayi (singulier Alun). C'est le pays de Brin à l'ouest de Ziguinchor.
  • Le pays du roi Ayi ou Mofayi s'étend à l'ouest de Ziguinchor. Il comprend les villages de Enampor, Essyl, Kamogueul, Badiatte, Eloubaline, Banjal, Etama et Séléki. On l'appelle aussi Banjal ou pays des Banjal (singulier Abanjal).
  • Séléki, pays des Elekiayi (singulier Aleki).
  • A l'Ouest de Mofayi, un ensemble appelé pays des Flups ou Kasa.
  • Huluf, habité par les Elufayi (singulier Aluf), est le pays voisin immédiat du village de Husuy (Oussouye).
  • Eyun ou Sigana, habité par les Eyunayi (singulier Ayun), au sud de Husuy.
  • Esulasu, habité par les Esulaluayi (singulier Asulalu), au nord de Husuy.
  • Selhek, au sud-ouest de Husuy.
  • Selhek, Huluf et Eyun constituent le royaume de Analufay.
  • Le pays de Kabrus (Kabrousse) à l'ouest de Analufay, habité par les Ehelayi (singulier Ahel) ou habitants de Her.

Diembéring ou juwaat, au nord de Kabrus, habité par les éwaat (singulier 'awaat)

  • Le pays des Ejamat, vers la frontière avec la Guinée constitue la limite sud du pays Diola. Ses habitants sont les Ejamatayi (singulier Engamât).
  • Les îles appelées Batoghatabu (singulier Atoghat) dont les habitants portent le même nom.

Quelques patronymes Diola typique: Diedhiou, Diatta, Diamacoune, Sagna, Goudiaby, Diaby, Coly, Bodian, Badji, Mané, Sané. Il en existe encore plusieurs dizaines.

Notes et références

  1.  (↑) Diop, 1979

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Alice Joyce Hamer, Tradition and Change : A Social History of Diola Women (Southern Senegal) in the twentieth Century, Michigan University, 1983, 329 p. (Thèse)
  • (en) Olga Linares de Sapir, « Shell middens of lower Casamance and problems of Diola protohistory », West African Journal of Archaeology (Oxford University Press), Ibadan, 1971, vol. I, p. 23-54
  • (en) Olga F. Linares, Prayer, Power, and Production: The Jola of Casamance, Cambridge University Press, 1992, 280 p.
  • (fr) A. Badji, La lutte traditionnelle joola. Étude et perspectives, Dakar, INSEPS, 1982, 47 p. (Mémoire de Maîtrise STAPS)
  • (fr) Saloum Badji, Habitat et occupation du sol dans les pays jolla (du XVe au XXe siècle, Dakar, Université Cheikh Anta Diop, 2000, 121 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Alioune Diatta, Structures politiques et sociales du monde traditionnel Joola, Paris, Université de Paris I, 1982, 345 p. (Thèse de 3e cycle).
  • (fr) Nazaire Diatta, Le taureau, symbole de mort et de vie dans l’initiation de la circoncision chez les Diola (Sénégal), Paris, EHESS, 1979, 3+292 p. (Mémoire EHESS)
  • (fr) Nazaire Diatta, Anthropologie et herméneutique des rites joola : funérailles, initiations, Paris, EHESS, 1982 (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Nazaire Diatta, Proverbes Jóola de Casamance, Karthala, 1998, 416 p. (ISBN 2865377180)
  • (fr) Christian Sina Diatta, Parlons Jola - Langue et culture Diolas, L'Harmattan, 1998, (ISBN 2-7384-7169-2)
  • (fr) Athanase Diédhiou, Chants funèbres et rites traditionnels dans la société Diola, Dakar, Université de Dakar, 198? (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Lamine Diédhiou, Riz, symboles et développement chez les diola de Basse Casamance, PU Laval, 2005, (ISBN 2763781802)
  • (fr) Odile Journet-Diallo, Les créances de la terre. Chroniques du pays jamaat (Joola de Guinée-Bissau), Turnhout, Brepols, collection BEHE, n° 134, 2007, (ISBN 978-2-503-52666-9)
  • (fr) Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, 1979.
  • (fr) Françoise Ki-Zerbo, Les sources du droit chez les Diola du Sénégal : logiques de transmission des richesses et des statuts chez les Diola du Boulouf (Casamance, Sénégal), Karthala, 1997, 217 pages (ISBN 2865376516)
  • (fr) Michel Bokar Mballo, Le personnage du prêtre dans la société traditionnelle diola cassa et la société traditionnelle romaine dans ses différentes attributions, Dakar, Université de Dakar, 1981, 97 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Michel Bokar Mballo, Les survivances des religions traditionnelles chez les chrétiens de l’époque de saint Augustin et chez les chrétiens diola kassa de la Basse Casamance, Dakar, Université de Dakar, 1985 (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Paolo Palmeri, Retour dans un village diola de Casamance, L’Harmattan, 1995, 488 p. ISBN 2-7384-3616-1
  • (fr) Jean-Joseph Sambou, La notion de Boekin dans le conte diola, Dakar, Université de Dakar, 1984, 154 p. (Mémoire de Maîtrise)
  • (fr) Francis G. Snyder, L’évolution du droit foncier Diola de basse-Casamance (république du Sénégal) : étude d’anthropologie juridique des rapports entre les hommes et les terres chez les Diola-Bandial, Paris, Université de Paris I, 1973, 550 p. (Thèse de 3e cycle)
  • (fr) Louis-Vincent Thomas, Les Diola. Essai d’analyse fonctionnelle sur une population de basse-Casamance, Dakar, IFAN, Université de Dakar, 1958, 821 p. (Thèse d’Etat publiée)
  • (fr) Louis-Vincent Thomas, Et le lièvre vint : Récits populaires diola, Nea, 1982, 266 p. (ISBN 2723608301)

Filmographie

  • (de) Das Fest der Ringer. Bei den Diola im Südsenegal, téléfilm documentaire allemand de Essibyé Augustin Diatta et Ulla Fels, 1999

Liens externes